Norme ISO 12647 : Technologie graphique dans l’industrie graphique

Harmoniser et fluidifier les échanges et la production dans l’industrie graphique.

 

La norme ISO 12647, intitulée « Technologie graphique — Contrôle des procédés de production de séparation couleurs tramées, d’épreuve et d’impression professionnelle » * rassemble l’ensemble des spécifications et des recommandations jugées nécessaires à l’obtention de travaux imprimés de qualité par le comité technique de l’ISO (Organisation internationale de normalisation) chargé des technologies graphiques (ISO/CT 130).

Ce document, distribué en France par l’AFNOR (www.afnor.org), est structuré en sept parties distinctes. Il couvre les différents procédés d’impression professionnels. Il a pour but d’harmoniser les échanges et la production dans l’industrie graphique :

  • Offset (machine feuille et rotative avec sécheur — Heatset),
  • Rotative sans sécheur (Coldset),
  • Héliogravure,
  • Sérigraphie,
  • Flexographie
  • Impression numérique.

Pour chacun de ces systèmes d’impression, la norme ISO 12647 spécifie différentes caractéristiques à respecter. Ainsi, le chapitre ISO 12647-2, consacré à l’impression offset, couvre les aspects suivants du processus d’impression :

  • qualité des films ou de la forme imprimante ;
  • linéature des trames utilisées pour la réalisation des films ou des formes imprimantes ;
  • angles des trames utilisées pour la réalisation des films ou des formes imprimantes ;
  • forme des points de trame utilisés pour la réalisation des films ou des formes imprimantes ;
  • tolérance du repérage des films ou des formes imprimantes ;
  • charge d’encre maximale induite par les films ou les formes imprimantes utilisées ;
  • couleur et brillance des supports d’impression (papiers…) ;
  • couleur et brillance des encres imprimées selon le support ;
  • pourcentage de trame pour la reproduction des blancs et des noirs pour les différents types de papier ;
  • tolérance du repérage entre les différents groupes de la presse offset ;
  • valeurs et tolérance de l’engraissement du point de trame…

Tel Monsieur Jourdain, le héros de Molière qui faisait de la prose sans le savoir, nombre d’imprimeurs utilisent un matériel à la norme 12647 et impriment dans les tolérances de celle-ci en ne faisant appel qu’à leurs propres compétences et à celles de leurs fournisseurs habituels. En effet, un matériel moderne correctement réglé, paramétré et entretenu, imprime de fait dans les tolérances de la norme ISO 12647. Pour peu que l’on utilise des encres elles-mêmes à la norme ISO 2846.

Le grand intérêt d’une norme, dans une logique industrielle, est de lever les obstacles à la production et au commerce. La norme ISO 12647 permet aux différentes sociétés et acteurs de la chaîne graphique (annonceurs, publicitaires, éditeurs, imprimeurs, mais aussi développeurs de logiciels et constructeurs de machines) de travailler ensemble en confiance même s’ils ne sont pas en contact direct.

La norme, en garantissant la compatibilité des matériels entre eux, garantit la liberté de choix des clients vis-à-vis de leurs fournisseurs. Elle fluidifie également les échanges et les transferts dans le cadre de la production d’imprimés en assurant la prévisibilité et la qualité de l’impression.

Une norme ou un standard industriel, quels qu’ils soient, sont destinés à évoluer au fur et à mesure des progrès techniques. La norme ISO 12647 et le standard de fait Fogra 39 ne doivent s’appréhender qu’au regard des matériels, des logiciels et des procédés de travail actuels de l’industrie graphique.

1. Norme ISO 12647 et organismes

En s’appuyant sur la norme ISO 12647, commune à toute l’industrie graphique moderne, différents organismes s’efforcent de faciliter les échanges et la collaboration entre les différents acteurs de la chaîne de production à travers le monde.

Fogra

La société allemande Fogra (www.fogra.org) a ainsi fait imprimer sur différents papiers, par plusieurs presses de différents modèles, la même charte de couleur, composée d’un nombre précis de patches de couleurs défini par la norme ISO 12642. Les machines utilisées étaient neuves et parfaitement réglées par leurs constructeurs selon les spécifications de la norme ISO 12647. Les chartes imprimées par différentes presses sur un même papier ont été mesurées à l’aide d’un spectrophotomètre.

Les ingénieurs de la Fogra ont exclu les mesures des machines donnant un résultat extrême, puis fait la moyenne des autres. Ces mesures moyennes sont publiées et constituent des standards d’impression connus sous les dénominations de Fogra 39, Fogra 27, etc., suivi ou non de la lettre L. Le standard « Fogra 39 L » correspond, par exemple, à l’impression moyenne sur presse offset feuille et rotative Heatset sur du papier couché. L’extension « L » indique que les mesures ont été effectuées à partir d’une charte de couleurs de 1647 patchs, conforme à la norme ISO 12642-2. L’absence de « L » dans la dénomination du standard indique que les mesures portaient sur un sous-ensemble de 1485 patchs connu sous le nom de « Charte ECI2002 ». Les mesures moyennes « Fogra 39 L » sont en fait une constatation de l’impression moyenne sur papier couché des presses offset feuille en Europe.

Le standard Fogra 39 L, adopté par de plus en plus de professionnels et d’organismes européens, représente un standard de fait des couleurs reproductibles par la technologie offset feuille sur papier couché. Il est cependant important de garder en mémoire que « Fogra 39 L » n’est qu’une des interprétations possibles de la norme ISO 12647-2 sur papier couché. Il en existe d’autres, très proches, mais néanmoins différentes, tel le GRACoL 7, très utilisé par les imprimeries de labeur américaines.

European Color Initiative (ECI)

Le consortium ECI (www.eci.org) publie quant à lui des profils ICC standards réalisés à partir de certaines de ces mesures Fogra. Ainsi, le profil « ISO Coated v2 » est basé sur les mesures « Fogra 39 L ». Il décrit la moyenne des couleurs imprimées sur papier couché par des presses offset feuille neuves calculée par les ingénieurs de la Fogra.

Le profil ICC « ISO Uncoated » est quant à lui basé sur les mesures « Fogra 29 L » qui décrit l’impression moyenne des couleurs imprimées par des presses offset feuille neuves sans gestion de la couleur. De même que le standard Fogra 39 est une des interprétations possibles de la norme ISO 12647, les profils édités par l’ECI sont une des interprétations possibles des valeurs publiées par Fogra. Ces profils restent dépendants des technologies mises en œuvre pour leur réalisation et ne doivent s’utiliser qu’à bon escient.

UGRA

La société privée suisse Ugra (www.ugra.ch) propose depuis cinquante ans des outils de contrôle de qualité pour l’industrie graphique. Elle propose aujourd’hui un service payant pour certifier matériel et imprimerie à la norme ISO 12647.

 

2. Norme 12647 et couleurs

En ce qui concerne les couleurs proprement dites, la Norme ISO 12647 aborde les aspects suivants de l’impression :

  • couleur du support d’impression (du papier le plus souvent) ;
  • couleurs des encres imprimées, mesurées sur huit patchs imprimés ;
  • pourcentage de trame pour la reproduction des blancs et des noirs ;
  • valeurs et tolérance de l’engraissement du point de trame…

Ces différents paramètres mis bout à bout définissent, pour chaque catégorie de papier, un espace type de couleurs reproductibles. Contrairement à ses versions plus anciennes, la norme 12647-2:2004 amendée 2007 ne précise pas de valeurs de densité à respecter. Seules les valeurs L*a*b* des quatre couleurs primaires d’imprimeries (CMJN) et de leurs combinaisons (CM, MJ, CJ & CMY), associées aux valeurs des points de trames établissent les tolérances chromatiques de la norme.

En d’autres termes, seuls les résultats comptent. Les bonnes couleurs peuvent être obtenues en faisant appel à différents équilibres densitométriques. À charge pour l’imprimeur de choisir les densités d’encre qui correspondent le mieux aux performances de son matériel. En matière de rendu des couleurs, la norme ISO 12647 se borne donc à définir le cadre dans lequel le talent des différents acteurs, tout comme les performances des outils utilisés, devra s’épanouir.

Le respect des recommandations contenues dans la norme ne peut pas garantir, à lui seul, la qualité de l’objet imprimé. Deux impressions selon la norme ISO 12647 peuvent présenter des différences considérables en termes de qualité, tout comme deux impressions réalisées hors normes. La différence étant que, dans le cas d’une impression normalisée, la responsabilité du conducteur de la presse ne peut plus être mise en cause !

 

3. Qualités chromatiques et norme ISO 12647

La normalisation des procédés d’impression ne doit en aucun cas déboucher sur un nivellement par le bas des produits imprimés. Tous les professionnels qu’ils soient constructeurs, développeurs, concepteurs, exécutants ou techniciens se doivent de fournir le meilleur de leur savoir avec un objectif : gagner de façon simultanée tant en qualité qu’en productivité. La norme fournit le cadre, les outils sont les moyens, le reste est question de compétences.

C’est à cette aulne que doivent être utilisés (ou non) les outils de gestion de la couleur mis à disposition par les différents organismes dans le cadre du respect de la norme ISO 12647. Dans un environnement normalisé ISO 12647, les teintes des couleurs imprimables sont définies par les pigments des encres normalisées. La saturation et la luminosité dépendent quant à elles principalement des caractéristiques du support d’impression et de la technologie de la presse.

Mais la qualité chromatique des images et des pages imprimées relève du talent et des compétences des concepteurs combinés avec les outils de production du prépresse qui préparent les fichiers graphiques à leur impression. Logiquement, les couleurs imprimées les plus saturées et les plus lumineuses seront obtenues sur du papier couché. Cela ne veut pas dire que les couleurs imprimées sur des papiers non couchés (offset, bouffant, recyclé ou même papier journal) se doivent d’être ternes et sans relief.

Les imprimeurs qui pensent cela renoncent de fait à exercer leur métier. Il est de l’honneur des professionnels de l’impression de relever le défi et d’utiliser au mieux les technologies modernes dans le cadre de la norme ISO 12647, pour obtenir, quel que soit le papier d’impression, le meilleur rendu colorimétrique et les couleurs les plus chatoyantes.

 

4. Profils ICC et norme ISO 12647

Nous l’avons vu, les profils ICC, édité par l’ECI, ISO Coated v2 et ISO Coated v2 300 %, se basent sur l’impression moyenne, sur papier couché, de presses offset neuves à la norme ISO 12647. L’utilisation de ces profils est recommandée pour séparer des fichiers RVB à destination d’un imprimeur qui n’accepte pas de fichiers RVB. Ils définissent ainsi le plus grand espace de couleur CMJN que l’on est en droit d’espérer de la part d’une imprimerie normalisée.

L’imprimeur peut imprimer directement ces fichiers CMJN ISO Coated v2 sur du papier couché. Il obtiendra ainsi un résultat acceptable, mais pas optimal. En d’autres termes, il obtiendrait un bien meilleur résultat en optimisant le document à imprimer selon le profil ICC correspondant à l’impression de sa propre presse sur du papier couché (à condition que le profil ICC réalisé soit de bonne facture). Maintenant, si l’imprimeur utilise ce même fichier CMJN ISO Coated v2 pour une impression sur papier non couché, bouffant ou offset par exemple, il ne peut s’attendre qu’à une qualité médiocre des couleurs imprimées. (Puisque ce profil décrit une moyenne d’impression sur papier couché.)

Pour autant, le document doit-il être séparé en utilisant un profil ICC édité par l’ECI pour du papier non couché (ISO Uncoated v2 par exemple) ? En aucun cas ! Certes, le fichier ainsi séparé serait plus facile à imprimer pour l’imprimeur (la charge d’encre maximale serait moindre). Mais les couleurs du fichier n’auraient plus qu’un lointain rapport avec celles capturées par le photographe et affichées en RVB sur l’écran du concepteur.

Autrement dit, un graphiste qui sépare ses images avec un profil ICC ISO Uncoated détruit lui-même ses images pour rendre le travail plus facile à un imprimeur incompétent ! Les profils ICC génériques pour papiers non couchés représentent une moyenne de l’impression sur ce type de papier. Par définition, ils ne peuvent renvoyer que des couleurs médiocres. Une telle utilisation erronée de la norme 12647 ne peut conduire qu’à un nivellement par le bas de la qualité des imprimés. Sur papier non couché, l’utilisation d’un profil ICC propre à la presse et au papier utilisé est impérative pour obtenir des couleurs lumineuses, saturées et… justes !

 

5. ISO 12647 et couleurs, en pratique

Voici schématiquement comment obtenir une qualité chromatique maximale tout au long de la chaîne graphique dans un environnement normalisé ISO 12647.

5.1 Prise de vue et travail de l’image

Le photographe doit livrer ses images au concepteur en mode RVB. Les fichiers images doivent contenir le profil ICC RVB, définissant l’espace de travail selon lequel l’image a été travaillée et validée.

5.2 Conception graphique et mise en page

La plupart des imprimeurs n’acceptant pas de recevoir des fichiers à imprimer en mode RVB, le graphiste doit séparer les images RVB en utilisant le profil ICC source de celle-ci et le profil cible CMJN ISO Coated V2 ou ISO Coated V2 300 % (basés tous deux sur le standard Fogra 39 L). Pour conserver leur qualité, les images ne doivent plus être retouchées à partir du moment où elles ont été séparées en CMJN.

Les profils ICC « sources » intégrés aux fichiers (notamment PDF) perturbent les RIPs des imprimeurs, aussi les images séparées ne doivent pas contenir de profil ICC. La mise en page doit se faire selon l’espace colorimétrique de travail défini par le profil CMJN ISO Coated V2 (Fogra 39 L) pour obtenir une cohérence chromatique entre les images intégrées dans la mise en page et les autres éléments de la page (texte, benday, filets…).

Le fichier PDF à fournir à l’imprimeur ne doit pas contenir de profil ICC source, mais selon la norme PDF/X1-a, il doit contenir un profil de référence (de sortie) qui doit être en l’occurrence celui de l’espace de travail CMJN adopté soit ISO Coated V2. 3) Impression L’imprimeur aux normes ISO 12647 réceptionne le fichier PDF. Averti de l’espace de couleur à respecter par le profil de référence (de sortie) lié au fichier PDF (ISO Coated V2), il optimise ce fichier, avec les outils adéquats, en fonction de sa presse et du papier d’impression. Il produit alors une épreuve certifiée Fogra 39 et imprime sur sa presse les couleurs les plus proches possibles du standard Fogra 39, voulues lors de la conception du document par ses créateurs.